Après La Ruche – apports de La Ruche

Sébastien Faure n’a jamais prétendu innover en matière d’éducation. Son ambition était avant tout de mettre en application les bases théoriques de ses prédécesseurs, de manière à former des adultes sains et si possible à donner la vocation à d’autres d’élargir ce mouvement. Il voulait montrer le bénéfice d’une éducation intégrale, positive et mixte sur les enfants. La Ruche a stoppé ses activités au bout de 13 ans, non pas à cause de dysfonctionnements, mais victime de la première guerre mondiale. Ce fut une expérience réussie et reconnue comme telle.

Sébastien Faure espérait voir le mouvement impulsé par La Ruche croître dans la société. Le Bulletin de La Ruche, contenant des nouvelles de La Ruche, mais aussi des articles pédagogiques, comptait environ 4000 abonnés. C’était donc une petite réussite éditoriale, mais pas suffisante pour influencer grandement la société française. Prenons quelques lignes pour décrire les expériences suivantes et l’influence qu’a pu avoir La Ruche sur ces expériences.

Ecole moderne
Le bulletin de l'Ecole Moderne (institution créée par Francesc Ferrer)

Trois grands pédagogues libertaires complétèrent l’œuvre de Paul Robin et Sébastien Faure : Madeleine Vernet, Francesc Ferrer, Jean Wintsch. Ce ne sont pas des élèves de Sébastien Faure, leurs expériences éducatives sont contemporaines de La Ruche. Madeleine Vernet fonda l’orphelinat « L’avenir Social » à Neuilly-Plaisance en 1906. Francesc Ferrer créa le mouvement de l’École Moderne, à Barcelone, dont l’ambition était « d’unir l’atelier à l’école, de faire collaborer parents, instituteurs, ouvriers et enfants, de préparer ces derniers à la vie qu’ils mèneront probablement, en évitant autant que possible le verbalisme, en exaltant leur curiosité et leur joie dans les recherches, en organisant les leçons souvent hors des murs de la classe, dans la réalité, là où se passe la vie ». Jean Wintsch créa un École Moderne, dans la lignée de Ferrer, à Lausanne.

Le plus influent des trois fut certainement Francesc Ferrer. Cela est dû pour beaucoup à son destin tragique. Militant gauchiste, il était honni des autorités, qui l’accusèrent d’instigation d’émeutes ouvrières. Anticlérical, il fut attaqué par l’Église, très puissante en Espagne. Il fut condamné à mort à titre d’exemple, en 1909. Sa mise à mort sans preuve révolta une partie de la population, au point que le gouvernement dut démissionner. Francesc Ferrer avait écrit « L’école moderne. Explication posthume sur la portée de l’enseignement rationaliste. » Sa mort, son livre, l’École Moderne, furent l’objet de nombreux articles pédagogiques. Des Écoles Modernes ouvrirent dans plusieurs pays et existent encore pour certaines (par exemple aux États-Unis.)

Homeschooling
Le courant du homeschooling a pour partie été inspiré des expériences de pédagogies nouvelles du début du XXème siècle

Après ces expériences, le mouvement anarchiste se réduisant, les écoles proches du mouvement se réduisirent également. Toutefois, les expériences pédagogiques libertaires s’ouvrirent alors, car des pédagogues non libertaires s’y intéressèrent.

C’est ainsi qu’en 1919, à Hambourg, furent créées quatre communautés scolaires dans lesquelles la liberté était le maître-mot : pas d’horaires, ni de programmes, ni de sanctions, des professeurs que les élèves appelaient « camarade ». La dernière ferma à l’avènement du IIIe Reich.

L’éducation libertaire créée par les militants anarchistes avait pour objectif de former des hommes et des femmes nouveaux, apte à servir une société égalitaire et à transformer la société pour qu’elle atteigne cet idéal. Cet idéal se réalisait grâce à une écoute de l’enfant, un éveil de son intelligence et la culture de sa confiance en lui-même. Les pédagogues nouveaux s’inspirerons de certaines méthodes libertaires mais en modifiant les objectifs. Ce sera très nettement d’être tourné vers l’enfant, pour l’enfant (ce que disait déjà Sébastien Faure) mais sans objectif second de changer la société.) Les principaux points d’accords des pédagogies anarchistes et des pédagogies nouvelles sont : la vie communautaire, la coéducation des sexes, la valorisation du travail manuel, la non-compétition. Une grande différence concerne la religion. La plupart des pédagogues nouveaux appuyaient la croissance morale des enfants sur des bases religieuses, quand les pédagogues libertaires excluaient toute idée religieuse.

Si des pédagogues nouveaux sont contemporains ou antérieurs à La Ruche : Georg Kerschensteiner, Ovide Decroly, Maria Montessori, Adolphe Ferrière… Célestin Freinet est postérieur. Il utilisa aussi bien les travaux des pédagogues nouveaux que les expériences de La Ruche et du Cempuis pour créer sa propre école.

Enfin, les expériences libertaires ont inspiré la création de nombreuses écoles privées sans contrat, mais aussi des expériences d’école à la maison, depuis les années 60. La limite principale de ces expériences est leur manque de mixité sociale. Il s’agit presque exclusivement d’enfant de classes moyennes-supérieures. Très souvent, les adultes qui se lancent dans ces projets manquent de connaissances pédagogiques pour mener de la manière la plus fructueuse possible ces projets, et les amplifier.

Les expériences d’écoles libertaires du début du XXème siècle, et en particulier La Ruche, sont donc une source d’inspiration pour les pédagogies actuelles. Elles montrent une réussite éducative pour des enfants issus de milieux très défavorisés : des enfants devenus à la fois des travailleurs compétents, des adultes épris de justice et des êtres autonomes capables de penser le monde par eux-mêmes. Si les anciens élèves de La Ruche n’ont pas transformé la société, ils ont montré par leur expérience qu’une éducation harmonieuse du corps et de l’esprit était possible, dans la mixité, le respect de l’enfant et le goût d’apprendre.

Cette expérience reste limitée par certains points : cadre très classique des horaires et travaux stricts à respecter, manque d’ouverture vers l’extérieur de la structure, personnel encadrant trop changeant. Mais elle montre comment un homme cultivé peut et passionné, Sébastien Faure, a intégré de nombreuses lectures pédagogiques pour créer une école qui lui ressemble et ressemble aux enfants qu’elle a reçus.

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Mis à jour le lundi 02 septembre 2013.