Steenwerck en 2010

Steenwerck
La maison XIXème de Steenwerck. J'aurais bien mis l'office du tourisme, mais je n'ai pas fait de photo.

Steenwerck est un village du nord de la France, dont les caractéristiques notables sont : un musée de la vie rurale, la culture de la pomme de terre, une maison du XIXème, un office du tourisme à la façade spectaculaire et une course de 100 km. Son géant s'appelle Totor. René Ramon, quant à lui, décida en 1975, avec 7 amis, de se rendre à Millau pour découvrir l'épreuve de course à pied de 100 km. Quatre steenwerckois couraient l'épreuve, pour laquelle les quatre autres les accompagnaient. Fort de cette belle aventure, ils décidèrent d'en organiser une dans leur belle région.

En 1976, la première édition des 100 km de Steenwerck suivait un parcours de 3 boucles de 33 km. Petit à petit, le nombre de boucles augmenta jusqu'à 5, de 19,143 km chacune, avec un petit tour dans le village pour compléter le kilométrage. Vivien Ramon, en digne fils de son père (qui n'a jamais couru lui-même 100 km !) participe à l'épreuve pour la quatrième fois cette année. Il a bien l'intention, une fois de plus, de boucler l'épreuve, pour ajouter ensuite un quatrième écusson à son T-shirt fétiche. Il a cherché, il y a quelques semaines, un éventuel accompagnateur pour l'épreuve, au hasard des forums de course à pied. Ça tombait bien, j'aime l'accompagnement. J'ai bien envie de découvrir Steenwerck, depuis la lecture du compte-rendu d'un primo cent bornard l'an dernier. Et puis, j'aimerais voir à quoi ça ressemble un 100 bornes en une quinzaine d'heures, et ce n'est pas en accompagnant mon cher mari que je le saurai.

Trek WSD 7.3
Mon nouveau vélo tout nu. Dimanche dernier j'y ai ajouté : garde-boue, compteur kilométrique, éclairage avant, éclairage arrière, panier avant, porte-bagages compatible avec le siège enfant...

Me voici donc à 17h, ce mercredi 13 mai, au lieu du départ. J'ai vraiment mis le paquet dans cette aventure : j'ai même acheté un vélo. Bon, rétablissons la vérité historique : je me suis fait voler mon vélo 2 semaines avant l'épreuve et j'ai dû en commander un nouveau dans un délai bien court. Mais j'ai aussi étudié avec soin mon équipement, prévu le froid, la pluie... J'ai calculé et imprimé les temps de passage prévisionnels de Vivien pour optimiser sa course. J'ai pensé à tout. Sauf aux démonte-pneus.

A mon arrivée, Vivien était encore tranquillement absorbé dans la distribution des dossards. Nous fîmes connaissance, enfin, deux heures seulement avant notre aventure commune. Steenwerckois, il joue à domicile ce soir-là. Actif sur les forums Kikourou (surtout) et Ultrafondus (de temps en temps), il connait presque tout le monde dans la halle des sports ce soir. Chacun me met en garde : Vivien chante tout le temps, sauf quand il bavarde. Ce devait être la hantise de ses professeurs à l'école !

Travaux artistiques
Et pendant ce temps à Argenteuil... Une famille s'active pour m'offrir un beau cadeau de retour

Le départ de la course eut lieu cette année devant l'office du tourisme : une façade en bas-relief, représentant un grand arbre dans les tons pastels. Le grille du parc, en feuillages, assortie. Édifice surprenant, mais pas idéalement situé, le sas de départ était trop petit pour les 500 coureurs. Le Nord est une région bien exotique pour la Parisienne que je suis. Le départ fut annoncé par un lâcher de pigeons.

Puis ce fut la découverte du pays steenwerckois : Bailleul, Nieppe, Steenwerck... Le parcours serpentait entre champs, par des routes minuscules, envahies par l'herbe au milieu. Maisons en briques, champs de colza, odeurs de pommes de terre. Vivien courait avec quelques copains, dont je fis la connaissance et deux photos.

Cinq boucles de 19,143 km, ça ne fait pas voir beaucoup de pays, mais le pittoresque ne lasse pas.

"MT36 ? Ça veut dire qu'on arrive bientôt au 96 ! Déjà 77 kilomètres de parcourus !" Voici le genre de phrase que l'on se dit, sur un tout petit parcours. MT36, c'est le trente-sixième kilomètre du marathon de Steenwerck, quant à 96, c'est le kilométrage lors de la cinquième boucle. Une petite soustraction de dix-neuf kilomètre -approximativement- permet de déduire le kilométrage sur la quatrième boucle. Le plaisir des nombres est à son comble lors de cette épreuve. L'ensemble du parcours est tracé en bleu, d'une ligne continue. Les kilométrages déterminants sont indiqués à la peinture indélébile. Indélébile ? Oui ! Ceux de l'an dernier y sont encore, et pas au même endroit !

Histoire de chiffres, je garde aussi en mémoire le sourire de Vivien passant enfin "80,86 km !", en fait le dernier pointage avant l'arrivée.

Nous avons formé une équipe très pro tous les deux : lui prévoyant dès le début ses zones marchées et ses pauses, moi armée de mon compteur de vitesse, de ma montre et de mon tableau des temps prévisionnels. Marcher 500 mètres tous les 3 kilomètres, au début, cela paraît bien inutile. Vivien avait sélectionné des repères où recommencer à courir, après chaque ravitaillement. Dans la ligne droite, c'était une maison, la seule invisible avant d'arriver dessus. Il y avait également une petite chapelle. Au quatrième tour, la marche devenait vraiment indispensable. La petite maison blanche ? Tiens, elle n'aurait pas avancé ? Notre Dame de Bon Secours ? Il fallut que je lance un "Courez pour nous !" pour que Vivien s'y remette. Mais son assiduité à marcher dès le commencement fut largement récompensée par une perte de rythme bien moins importante que ce que j'avais prévu. Vivien courait à 9 km/h en début d'épreuve, et à plus de 8 km/h à la fin.

Vivien et moi
Le seul portrait de Vivien et moi en course que je possède, pour l'instant. Par Adèle.

Passer la nuit avec un inconnu permet de faire connaissance. Je pourrais tout vous dire de l'histoire des 100 km de Steenwerck, de l'expérience professionnelle de Vivien en Angleterre, de sa scolarité en France, de la cuisine légère... Je ne l'ai presque pas entendu chanter. Je comprends, l'organe le plus important pour accompagner un tel coureur, c'est une paire d'oreilles bien affutée. D'ailleurs, tout le monde le connaissait, "mon" coureur. Il devait interrompre ses récits pour répondre aux encouragements de l'un, de l'autre. Je l'interrompis aussi une fois : quand il décida de dresser avec la bénévole d'un ravitaillement la liste des steenwerckois ayant déjà terminé l'épreuve, dans l'ordre anti-chronologique, en remontant jusqu'à sa naissance, voire avant.

Ah les ravitaillements ! Je les espérais longtemps pendant la nuit. J'avais prévu une tenue chaude, avec anorak et moufles, et un change complet en cas de pluie. Dès la fin du premier tour, je décidai de superposer mes deux collants. Je superposais également gants de laine et moufles. Mais le froid s'immisçait, et je ne pouvais pas accélérer. Un ravitaillement, c'était un havre de chaleur humaine, et même parfois une salle vraiment tiède. Et pourtant, impitoyable, je vérifiais que Vivien ne trainait pas. Et je retournais aussi dans la nuit, le froid, et même la pluie vers 3h du matin.

Comment tient-on une nuit dans le froid, en vélo à 8 km/h ? C'est simple : on dort. C'est au quatrième tour que je compris que je ne pourrais pas y échapper. J'avais tenté de boire un café quelques heures plus tôt, mais il était trop chaud et trop amer. J'avais renoncé. Je sentis donc, plus tard, mes paupières lourdes. Vivien parlait moins, je le suivais, légèrement à droite. Puis le vélo partit sur la gauche, sur lui. Je posai les pieds au sol, secouai la tête... et repartis vaillament. Je tins cinq minutes, avant de réaliser à nouveau la même figure de style. Je pensais très fort au café que je prendrais au poste suivant quand je me mis à rêver, le vélo à tourner sur Vivien. Aucune des deux fois je ne touchais les jambes de mon coureur, fort heureusement. Et je n'avais plus que trois bonnes heures à tenir éveillée, ce qui ne représentait que trente-six chutes potentielles. Heureusement, le café coupé d'eau froide, sucré, eut son effet.

Et le jour se leva doucement.

Vivien me l'avait dit : ce qui serait sympa, ce serait de voir le départ du matin. Eh oui, en effet, à Steenwerck, il y a deux courses de 100 km (oui, il est déjà arrivé à certains d'enchainer.) La course "open" débute à 19h le mercredi, la course rapide à 6h le lendemain matin. Et le temps limite est le même pour tous : 19h le jeudi. Voir le départ de la deuxième course demande donc de passer par la ligne de départ au bout de 11h de course. Sans y arriver, nous pûmes tout de même rencontrer quelques coureurs terminant leur petit tour en ville. Et se faire doubler par les deux premiers de la course du matin à 4 km de l'arrivée, c'est aussi l'occasion d'assister à la course en tête, voire de se faire encourager par les champions. Vous en connaissez beaucoup, vous, des courses où le deuxième encourage la queue de peloton, pendant son épreuve ?

Cadeaux
Mes cadeaux d'accompagnatrice : bonbons, T-shirt, fleurs... et les jouets de mes filles

Pendant la nuit, Vivien avait pris quelques minutes de retard sur le temps prévisionnel que j'avais calculé, mais il récupérait ces minutes maintenant. Un type et son épouse à vélo jouaient à l'accordéon avec nous. Par devant par derrière, comme dit la chanson. La dame m'ouvrit les yeux quand elle me signala que son mari espérait bien arriver en moins de 14h30. En effet ! Mes prédictions valaient si Vivien terminait comme il pouvait, à 6 km/h. Et il continuait à courir, l'inusable. Il ne me crut pas quand je lui prédis un possible "moins de 14h30". Forcément, il se trompait d'une heure dans ses calculs.

La performance !

14h21, soit une heure et cinq minutes de mieux que son record.

Pourrait-il faire mieux ? Le progrès n'a pas de limites... Mais il a fait sa meilleure course, ou peu s'en faut, pour ce jour.

Au fait, Vivien est asthmatique, il a même eu de l'asthme pendant l'épreuve.

Pourquoi accompagner un coureur sur 100 kilomètres ?

Une femme me le disait : "Mes collègues me disent de laisser mon mari avec ses conneries, de ne pas m'embêter à le suivre". Un homme faisait même l'accompagnement d'un coureur en chaise roulante. Si on accompagne son époux, un ami, voire un inconnu, sans grand entraînement, parfois même en touriste véritable, mais toujours en se donnant pour l'autre pendant des heures... c'est parce que c'est chouette, tout simplement. On partage les mauvais coups, les bons moments, la course quoi.

Office de tourisme
La nouvelle façade de l'office de tourisme de Steenwerck... eh oui, maintenant j'ai la photo ! Ça vaut le coup, non ?
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Mis à jour le lundi 17 mai 2010.